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Les titres par année de parution


Insister
Format : 21,5 x 23 cm
Nombre de pages : 136
Prix : 27 €
Date de parution : 2006
ISBN : 9782718607016




Insister
À Jacques Derrida


3 dessins originaux d’Ernest Pignon-Ernest, dont un frontispice

PRÉSENTATION

« “Lire Cixous Derrida se lisant”, c’était le thème du colloque organisé à Barcelone en 2005 par Marta Segarra à qui, en 2003, lui, Jacques Derrida, dit “oui, je viendrai naturellement peut-être”.
Alors hier 2003 nous nous étions accordés, lui avec moi, pour imaginer une scène de conversation, façon de déjouer la difficulté du thème et du temps. De diminuer si possible la fatigue, en la divisant.
Voilà 2005 : impossible de tenir parole à ce sujet, le sujet du colloque, je ne vois pas comment, me tourmentais-je, en cet an 2005, comment pouvoir, à peine si je peux vouloir, mais pouvoir, dans l’état où nous sommes, me disais-je, à moitié morts, et donc à moitié vifs, et comment tenir ensemble la parole, comment dans ces circonstances obscures et inconnues tenir ensemble le pas gagné, le rôle, et ensembler. Je me tordais comme deux vers ou deux morceaux de vers
Ce sentiment d’impuissance était le mien, non pas le sien, de toute évidence. C’est moi sur cette terre que le sentiment du sans travaille. Sentiment seulement, semblant de sans, apeurement du moi devant les nouveaux sens de tous les sens, faiblesse de mon pas qui apprend à marcher autrement mon impuissance. Il faudra quand même que je puisse. Je sens bien que si toi, Jacques Derrida, tu ne peux pas “venir” à Barcelone, rien ne t’empêche d’être là.
C’est alors que le manuscrit de Voiles a fait revenance depuis un de mes tiroirs où il dormait depuis dix ans, totalement oublié de moi mais pas des dieux, de toute évidence. Tu me l’avais envoyé air mail depuis Buenos-Aires.
De Voiles manuscrit ressuscité on verra ici quelques merveilleux visages, autoportraits ailés, levés sous le vent, en “jet”, au-dessus de la Cordillère des Andes.
Dire que je n’avais pas encore lu Voiles me dis-je. Je le lis. Depuis 1964 texte à texte nous nous lisons. Depuis 1963 je lis tout ce qu’il écrit. Ferveur et travail. Inlassable et joyeuse insistance et tournoi de mots et de phrases, championnage poétique. J’avais tout lu trois fois sept fois. Sauf – Voiles.
Dans ce livre, vous verrez comment, détaché du monde et du temps, volant entre les heures, il s’envoie à lui-même sur papier blanc l’ordre suivant en deux lignes : “Écrire ceci de très loin, comme après la vie, dans le coin inférieur, le plus bas qui soit, ou presque”. Vous verrez comment il s’adresse à lui-même et s’exécutera à la lettre.
Maintenant je retrouve cette injonction, écrite : “comme après la vie”, dans le coin inférieur, le plus bas qui soit dans ma maison, ou presque
Je comprendrai alors successivement ce que je n’avais pas alors compris,
“comme après la vie”.
Tout cela se sera toujours passé comme après la vie – dans une course par mer, par air, par monts après la vie.
Toute la vie courir après la vie.
Comme après la vie, la vie continue. Après la vie, la vie. Il n’aura pas dit “après la mort”, notez bien. Tout ici tourne autour de la vie, aux étranges présents de la mémoire, du texte, du rêve
Toute la vie nous nous racontons nos textes. Depuis un toujours, nous nous traduisons l’un à l’autre au secret du français, en son for le plus idiomatique, à la volée des mots, à la coulée des phrases. Toute la vie nous nous racontons nos rêves. Nous nous donnons à “lire” ces chapitres fous, par lui non écrits pour la plupart, quoi qu’il en ait notés certains, tous écrits par moi. Mais à qui “raconte”-t-on ses rêves ? Vous verrez ici comment nous nous racontons nous écoutant l’un l’autre raconter l’un l’autre
Suivons Jacques Derrida. Il nous montre le chemin. Suivons la pensée décochée au-delà de ses limites, les siennes, les nôtres. Ceci est un exercice de rêve. Ceci est l’exercice du rêve. Ceci est l’histoire du manuscrit volant. Je le lis “aujourd’hui” et le lisant me lis, et tandis que je le lis comme d’habitude lui me lisant, je sens, je hume l’air humide et salé entre nous, légère insistance de l’éternité. Tout a changé, rien n’a changé. »

H.C.


© Éditions Galilée
Site édité avec le concours du Centre national du livre
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