PRÉSENTATION
Jean Genet : né amputé de mère et de père, déposé au Bureau des Enfants abandonnés, jugé non contagieux et déporté dans le Morvan, au pays
mor, c’est-à-dire au pays
noir. Adressé au destin Poste Restante et personne pour le réclamer. Pour panser le blessé-né. Dès lors la Blessure déménage. Elle ne tient pas en place. Voyage de la Blessure en laquelle il fait son trou. S’il avait un bateau, Genet l’appellerait Lésion. Et que sa quille éclate. Son lot : avoir toujours à n’être, tout au long du fil de sa vie, qu’un être volant, que dis-je un mort volant, revenant de livre en livre se refaire l’acte manqué de sa naissance.
Il le sait, comme avec lui Shakespeare, Dostoïevski ou Joyce, on entre en littérature par lésion. Par la suite chaque œuvre vit de sa plaie originaire. J’en suis né, songe-t-il, je la porte, comme ma mère intérieure. On la lèche d’une langue vigoureuse, on la fait parler, on l’entretient, on poursuit avec elle un entretien fiévreux, sans consolation.
Toute sa vie, la plaie, l’appeler, de tous ses vœux, la creuser. Jamais de paix. Il faut maintenir la vieille à vif, pour cela la réécrire, la remettre mille fois sur le chevalet, retourner en prison tous les livres, donner les fils à retordre, aller partout rêver au bagne perdu. De la perte on fait son gain.
Un jour de mai 1974, Jean Genet me confie une lettre à porter à l’autre bout du monde, et depuis…
Ci-contre, reproductions de dessins du livre.